Il fut à la fois concepteur et fabricant d’horloges, scientifique et pédagogue : Ferdinand Berthoud a dignement occupé le XVIIe siècle en faisant faire des bonds de géant à l’art du garde-temps. C’est notamment dans le domaine des chronomètres de marine, pour lesquels il s’est passionné une grande partie de sa carrière, que Berthoud a su laisser son empreinte comme horloger-phare de son temps.
Ferdinand Berthoud, un horloger précoce
Membre de la Royal Society anglaise et de l’Institut national de France (section des arts mécaniques), récipiendaire du prix de l’Institut des sciences et des arts, Maître-Horloger, Horloger-Mécanicien de la Marine, Horloger de l’Observatoire et du Bureau des longitudes de Paris, Chevalier de la Légion d’honneur… Les titres honorifiques de Ferdinand Berthoud pourraient, à eux seuls, démontrer l’influence majeure endossée par ce digne représentant du siècle des Lumières de son vivant, une influence qui a su s’affranchir des périodes et des régimes politiques (de Louis XV à Napoléon). De fait, l’œuvre horlogère de Berthoud occupe une place à part dans l’histoire de ce noble art, notamment du fait de ses innovations en matière de chronomètres de marine.
La vocation des horloges et des montres est favorisée chez lui par un environnement familial propice. C’est, en effet, dans une famille d’horlogers qu’il voit le jour, le 18 mars 1727, à Plancemont-sur-Couvet, en Suisse. Dès ses 14 ans, il rejoint son frère comme apprenti et fait ses premières gammes en matière d’aiguilles et de mécanismes, tout en recevant de son père une éducation scientifique maison.
Sa carrière, le jeune homme la voit se dérouler à Paris, capitale du rayonnement scientifique et intellectuel du XVIIe siècle. Ses 18 ans passés, il fait ses valises et part s’installer dans la Ville Lumière, afin d’y perfectionner son art en intégrant les ateliers des grands horlogers du temps. Ses talents ne tardent pas à attirer l’attention des riches clients. En parallèle, il travaille à ses propres projets et présente, à l’Académie royale des sciences, le 26 avril 1752, ses plans pour la fabrication d’une pendule à équation de son invention, jugée fort ingénieuse par les académiciens.
De l’importance du savoir et de la transmission
Bien qu’encore jeune, à 26 ans, cet honneur rendu par l’Académie attire sur Ferdinand Berthoud l’attention du roi Louis XV, qui lui octroie le titre – rare à cet âge – de Maître-Horloger. Il lui est alors possible d’ouvrir son propre atelier, et bientôt le Tout-Paris se presse chez l’un des plus précoces maîtres que la profession ait jamais connue. Mais c’est surtout dans le domaine, très en vogue à cette époque, des chronomètres de marine, que Berthoud connaîtra un succès faramineux – et qui lui vaudra quantité de titres honorifiques.
Cependant, Berthoud se montre concerné par l’impérieuse nécessité de transmettre ses connaissances en parallèle du développement de son savoir-faire. N’est-il pas essentiel que les autres puissent suivre ses pas ? Invité par Diderot et d’Alembert à collaborer à leur Encyclopédie (éditée entre 1751 et 1772), Berthoud rédige des articles ayant trait à la question des montres et des horloges. Cette première expérience s’avère fondamentale, puisqu’elle convainc l’horloger de lancer sa propre littérature consacrée à son art, et surtout à la diffusion de ses techniques. Parmi sa belle bibliographie, citons L’Art de conduire et de régler les pendules et les montres à l’usage de ceux qui n’ont aucune connaissance d’horlogerie (son premier ouvrage de vulgarisation en 1759), Essai sur l’horlogerie, Traité des montres à longitudes ou encore Histoire de la mesure du temps par les horloges.
Ferdinand Berthoud écrit jusqu’au crépuscule de sa vie : l’année même de la publication du Supplément au Traité des montres à longitudes, son ultime opus, en 1807, il s’éteint à Paris, laissant derrière lui une œuvre horlogère sans égale illustrée par de nombreux écrits.
L’art du chronomètre de marine
S’il fallait ne retenir qu’une seule chose de la carrière de Ferdinand Berthoud en matière de garde-temps, il serait juste d’en conserver son extraordinaire travail sur les chronomètres de marine. Au XVIIe siècle, toute l’Europe de l’Ouest se fascine pour les tentatives françaises et anglaises de fabriquer une montre à longitudes capable de déterminer avec le plus d’exactitude possible la position d’un navire au milieu des eaux – une invention qui promet de changer en profondeur les conditions de navigation, encore quelque peu hasardeuses.
Ferdinand Berthoud s’intéresse lui aussi à ce problème, parmi les horlogers les plus prestigieux de France et d’Albion. En 1760, il dépose à l’Académie des sciences un « Mémoire sur les principes de construction d’une horloge de marine », sur la base duquel il conçoit et fabrique son Horloge de Marine n°1, présentée l’année suivante. Après un passage par Londres, où John Harrison refuse de lui laisser examiner son propre chronomètre de marine, Berthoud poursuit le développement de sa technique pour aboutir aux horloges n°6 et 8. Celles-ci font l’objet de tests sur mer, à l’occasion des voyages du duc de Praslin jusqu’à Saint Domingue. La n°8, notamment, signe un succès pour Berthoud, avec une précision de calcul d’un demi-degré de longitude.
L’horlogerie marine devient son fer de bataille. Au fil de ses progrès techniques (il met au point de nombreux échappements destinés aux montres), Berthoud améliore sans cesse la précision de ses chronomètres, découvrant, en 1768, le principe de la compensation moyenne qui lui permet de lutter contre les effets dus aux variations de température sur la mesure du temps. Afin de mieux répondre à la demande grandissante des Marines française et espagnole en chronomètres, il convie son neveu Pierre-Louis, lui-même talentueux horloger, à le rejoindre à Paris, depuis la Suisse, dans le but de le seconder.
En tout, ce sont des dizaines d’horloges de marine et de montres à longitudes que Ferdinand Berthoud aura fourni à l’Amirauté française, ce qui lui vaut de participer indirectement, par le biais de ses créations, aux vastes campagnes de cartographie et d’hydrographie qui dominent la fin du siècle des Lumières. Son dévouement poussera également le souverain à le nommer Horloger-Mécanicien du Roi et de la Marine en 1770.
Les chronomètres de marine de Ferdinand Berthoud ont marqué l’histoire – d’aucuns disent que grâce à cette aide précieuse, Lafayette a pu naviguer jusqu’en Amérique et aider les colons dans leur combat pour l’indépendance contre les Britanniques. Soucieux de ne pas laisser s’évanouir ses connaissances en la matière, Berthoud a pris soin de consigner ses recherches et ses méthodes dans deux volumes, parus en 1773 et en 1775 : le Traité des horloges marines et Les longitudes par la mesure du temps. Une façon pour lui de devenir immortel, aux côtés de ses créations.
Reprenant ce prestigieux nom, la maison Chopard a relancé une marque qui porte le nom de Ferdinand Berthoud et qui propose des montres de haute horlogerie.